Plusieurs femmes enceintes et allaitantes de Goma disent être conscientes de l’importance et de le nécessité d’une bonne alimentation pendant la grossesse et l’allaitement. Mais elles sont confrontées à un manque des moyens suffisants, pour suivre à la lettre les conseils leur prodigués par les professionnels de santé. C’est ce qui ressort d’une mini enquête réalisée auprès de certaines femmes rencontrées dans les structures sanitaires de Goma, entre le 12 et le 18 le Janvier 2023.
Pour Esther MUMBESA jeune femme allaitante rencontrée au centre de santé Dimajelo, les professionnels de santé s’efforcent de donner aux femmes enceintes et allaitantes, une éducation nutritionnelle suffisante. « À l’hôpital, on nous apprend que pendant la grossesse nous devons cultiver une alimentation saine, suffisante et équilibrée. Les professionnels de santé ont toujours insisté à ce que nous intégrions dans notre alimentation la consommation des fruits, des légumes et du poisson. Dernièrement quand j’étais enceinte, on me disait que je devais consommer au moins un type de fruit par jour. L’infirmier me disait également que le poisson est beaucoup conseillé pour une femme enceinte, car il aide à constituer le cerveau de l’enfant… », S’est souvenue Esther.
Mère de deux enfants, Blandine Chira, rencontrée au centre médical Mont Sinaï, affirme elle, que toutes les notions nécessaires pour la bonne alimentation d’une femme enceinte et allaitante, sont connues. « Mais les moyens nécessaires pour constituer une ration alimentaire selon les normes, font défaut. Pour faire un mélange concentré pour mon enfant, il me faut autour de 10 ou 20 dollars chaque semaine. Dans certains lieux de vente de ces farines concentrées recommandées pour la bonne alimentation des nourrissons, un kilogramme est vendu à 5 milles francs congolais. Alors quand je trouve difficilement ces 5000 FC, faut-il les gaspiller rien que pour l’achat d’un kilogramme en faveur d’un seul enfant et sacrifier les autres ? La réponse c’est non ! », Opine Blandine.
La situation de Blandine, est aussi celle de Neema Munyerekana, rencontrée au centre de santé la Merveille. Pour elle, les infirmiers se comportent comme des « anges » qui semblent ne pas maitriser la vraie « situation de nos familles… ». «Comment un infirmier peut te dire de chaque fois consommer du poisson et des fruits chaque jour ? Est-ce qu’il connait le prix des fruits ? Voire même du poisson ? Moi quand j’entends ces infirmiers nous enseigner, je me tais tout simplement. Car je sais que ce ne sont que des utopies. Ils veulent que nous donnions des aliments qui coutent cher à nos enfants… Et quand nous n’aurons plus d’argent ? N’est-ce pas que ces enfants contracteront le kwashiorkor ? » S’inquièteNeema Munyerekana.
Le repos…
« Les professionnels de santé nous conseillent toujours de nous reposer suffisamment. Ils nous conseillent de consacrer au moins deux heures de repos par jour. Et quand on dort, on doit se coucher sur sa côte gauche. Cela permet à l’enfant de profiter de la nourriture que nous mangeons en tant que femme enceinte, parce qu’on nous dit de toujours manger trois fois par jour. », Nous a expliqué Esther Mumbesa, aujourd’hui allaitante, mère de 3 enfants.
En outre, quoique ces notions soient connues de nombreuses parmi les femmes enceintes, très peu sont celles qui les appliquent au regard même de leur niveau socio-économique très bas. « Le plus souvent on sent que l’on a envie et besoin de se reposer. Les infirmiers nous le disent chaque jour et nous en sommes conscientes. Mais on n’y arrive pas, parce qu’on est souvent dans les rues à la recherche de quoi manger. Qu’on ne vous trompe pas. Nous vivons au taux du jour. Et notre vie quotidienne ne nous permet pas de respecter correctement les conseils santé des personnels soignants… », Regrette pour sa part, Blandine CHIRA.
Relais communautaires et infirmiers face à leur rôle vis-à-vis de la femme enceinte et allaitante…
Dans les différents centres de santé, relais communautaires et infirmiers tous s’entraident pour donner une éducation nutritionnelle aux femmes enceintes et allaitantes. Ce, pour la bonne santé de la mère et de l’enfant. « Durant les consultations prénatales et préscolaires, nous regroupons les femmes enceintes pour leur expliquer comment prendre soin de soi, au profit de leur santé et du bébé qu’elles portent. Et celles qui respectent et appliquent ce que nous leur disons, donnent naissance à des bébés vigoureux et non chétifs. Pour les femmes allaitantes, en dehors de leur attention que nous attirons sur l’équilibre alimentaire, nous les conseillons d’allaiter suffisamment les nourrissons en leur montrant les avantages dont le bébé bénéficie quand il a tété durant les temps requis par les normes nutritionnelles… », nous a par ailleurs expliqué Mapasa Bindu, cadre au centre de santé RAFA.
Mêmes allégations pour l’infirmière Louange KAHUKO, infirmière au centre de santé Mapendo. « Aux femmes enceintes, nous prodiguons tous les conseils qu’il faut observer pour veiller à leur santé et celle de leurs nourrissons avant et après la naissance. Mais pour la plupart des cas, nombreuses boudent les consultations prénatales et d’autres arrivent au centre de santé quand elles veulent et d’autres encore, ne se présentent à l’hôpital que le jour de l’accouchement. Et ça ne nous facilite pas la tâche », opine Louange.
En plus des aspects purement alimentaires, il arrive qu’une femme connaisse des problèmes de traumatisme durant ou après sa grossesse. Et au centre de santé Lubango, des cas similaires sont mis à la disposition du psychologue. « Moi je n’ai pas étudié la nutrition ou encore la pédiatrie. Mais Il nous est arrivé en maintes reprises, des cas pour lesquels nous devons intervenir, surtout lorsqu’une femme enceinte ou allaitante est traumatisée. Dans cette mesure, nous les mettons dans le counseling. Nous les accompagnons, nous les encadrons, jusqu’à ce qu’elles se sentent soulagées… », Nous a fait savoir Anuarite KAVIRA, psychologue au centre de santé Lubango situé en commune de Karisimbi.
Les femmes enceintes et allaitantes face aux mythes…
Si dans les sociétés traditionnelles les mythes pesaient, une certaine évolution se fait constater dans les sociétés contemporaines dites modernes. La preuve c’est que nombreuses d’entre les femmes que nous avons interrogées au sujet des mythes, en connaissent moins ou même pas. « Ma mère me disait qu’à leur époque, on leur défendait de manger la viande de poule, les sauterelles, les œufs et autres. Mais moi qui te parle, mon mari me les emmène chaque jour. Surtout quand j’étais enceinte de ma fille Emmanuela », a laissé entendre Esther.
Et à D’assise Uwimana d’ajouter : « si des telles réalités existeraient encore jusqu’aujourd’hui, elles ne lèseraient pas que des femmes enceintes et allaitantes. Mais aussi d’autres membres de la famille. Parce qu’ici à Goma par exemple, quand on n’a pas assez d’argent, on se fait une sauce avec des œufs. Et là, on estime qu’on profite des protéines animales contenues dans ces œufs. Mais s’il y a une catégorie qui n’en prend pas, comment peut-on les rattraper et avec quels moyens encore que la viande et le poisson coutent très chers ? », Finit-elle en s’interrogeant.
Quoiqu’il en soit, plusieurs personnes continuent de penser que le fait qu’aujourd’hui les mythes alimentaires ne soient plus respectés, a une part des choses dans la dépravation des mœurs des jeunes adolescents de la récente génération, le cas de Théodore Bulenda, 67 ans.
Les époux face à la charge alimentaire…
« Quand les infirmiers nous demandent de bien nourrir nos femmes quand elles sont enceintes, ils ne se trompent. Car avec mes 4 enfants, j’ai compris que l’alimentation de l’enfant dès sa conception, détermine ce qu’il sera et la valeur qu’il aura dans la société. Nombreux ne l’ont jamais compris, mais moi, j’en suis vraiment confiant… », A ouïe dire Jacques PENDA, père de 4 enfants.
Par ailleurs, certains papas ne se contentent pas de la question alimentaire de la mère et de son enfant. Ils les traitent au même titre que les autres. Pourtant, les femmes enceintes, les femmes allaitantes, les nourrissons, les jeunes enfants, les jeunes adolescents,… doivent être nourris de façon spécifique, d’après leur âge, leur état physiologique et plusieurs autres aspects. Et ce, d’après les explications des Docteurs Jean-Claude SABWA, Ernest-Moise MUSHEKURU et Thomas KUBUYA, explications fournies aux journalistes des provinces du Tanganyika, Nord et Sud-Kivu, lors d’une séance de formationsur les notions de base sur la nutrition et la sécurité alimentaire, l’alimentation de la femme enceinte et de la femme allaitante, l’alimentation du nourrisson du jeune enfant, et l’alimentation du jeune enfant et de l’adolescent, qui correspondent bien évidemment aux quatre modules autour desquels a été circonscrite la formation dispensée aux journalistes entre le 9 et le 12 janvier 2023 et dont le condensé est accessible via le lien ci-dessous.
« Faute des moyens, je n’arrive pas à assurer à mon épouse une alimentation requise pour les femmes enceintes. De fois quand je viens de trouver quelque chose pour la famille, je me limite à ce point. C’est tout simplement parce que, même ce peu, on en trouve difficilement. Nous vivons donc au taux du jour et cela affecte malheureusement nos dépendants, notamment mon épouse et mes enfants… », Regrette Jacob TChimanuka.
Quant au repos, nombreux papas disent être conscients que leur femme mérite du repos. Mais ils ont souvent moins de temps de suivre leurs épouses, car tous les temps ils sont au boulot. « Je quitte chez moi le matin vers 7 heures et je rentre autour de 18 ou 19 heures. Et ça ne me permet pas de contrôler tous ses mouvements. Mais sinon, je sais que le repos est important pour la santé et de surcroit la femme enceinte… », Reconnait Jacques PENDA.
L’alimentation de la femme enceinte et allaitante doit tenir compte de l’équilibre, la suffisance, et la disponibilité alimentaires. Le repos et la prise suffisante d’eau sont vivement conseillés pour les deux catégories de femmes. Mais leur abstention vis-à-vis de la consommation des drogues, des stupéfiants, de l’alcool, de la cigarette… est à consolider dans leurs habitudes alimentaires, car leurs conséquences fâcheuses sur leur santé ainsi que celle de leurs enfants sont vraiment incalculables, conseillent les Docteurs Jean-Claude SABWA et Ernest-Moise MUSHEKURU, nutritionnistes.
John TSONGO / Goma-RDC