

Face à l’exploitation pétro-gazière de la RDC, les ONGs environnementales ont bon crié, mais Kinshasa ne décolère pas, il veut à tout prix « transformer son potentiel en richesses… ». Même certaines Majors jadis réticentes vis-à-vis des appels d’offres de la vente aux enchères des blocs pétro-gaziers, affichent aujourd’hui leur volonté de relier Kinshasa pour sauter sur ces opportunités.
« Nous voulons transformer notre potentiel en richesses !»… Cette voix ferme de Didier Budimbu, alors Ministre congolais des hydrocarbures, dénote la volonté du gouvernement congolais d’accélérer l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz, y compris dans les tourbières, en dépit des vives critiques de la part des ONG environnementalistes.
Blinken, un poids mouche devant Tshisekedi ?
Alors de passage à Kinshasa en Aout 2022 dernier, le secrétaire d’Etat Américain Antony Blinken, en a échangé avec Tshisekedi visiblement en faisant prévaloir la position des environnementalistes. Mais le président congolais n’en a pas démordu ! Il tente de rassurer que la mise en valeur des blocs pétro-gaziers, n’entrainera pas la RDC dans la voie de bafouer « sa promesse d’être pays solution dans la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ».
C’est ce qui a par ailleurs, fait qu’au cours du dernier trimestre 2022, le président a lui-même lancé à Kinshasa la capitale, le processus d’appel d’offres pour l’attribution de blocs pétroliers et gaziers, avec comme objectifs de faire de son pays un véritable producteur d’hydrocarbures (la production actuelle est d’environ 8 millions de barils/an) et d’augmenter les revenus de l’État.
Après Tshisekedi, Budimbu prend la main
L’attribution des blocs pétroliers par Kinshasa explique Budimbu, « l’est en exécution du programme du gouvernement visant à valoriser le patrimoine pétrolier et gazier de la RDC, en vue d’augmenter la production d’hydrocarbures du pays, pour ainsi accroître significativement les recettes dans le budget de l’État, avec toutes les retombées qui s’ensuivent, notamment sur le plan socio-économique ».
Il renchérit qu’en termes financiers, lesdites ressources sont évaluées à plusieurs millions, voire milliard de barils de pétrole, « pour un montant estimé à plus de 650 milliards de dollars américains ». Toutefois, il y a lieu que la taille des réserves soit encore une fois « mise en évidence après les travaux d’exploration que mèneront les sociétés pétrolières en cours de sélection par appel d’offres », avec une probabilité de croissance ou de décroissance.

Gestion rationnelle des ressources, une autre question qui divise…
Mal connu en matière de bonne gouvernance, Kinshasa semble avoir perdu une confiance qui peine toujours à se racheter. C’est ce qui d’ailleurs, relance la question de savoir comment seront gérées les ressources générées par les blocs pétro-gaziers.
Budimbu qui ne se laisse pas vaincre, prévient : « D’abord, il sied de rappeler que la RDC est membre de l’Itie [Initiative pour la transparence dans les industries extractives] depuis 2005, laquelle est une organisation réunissant en son sein les représentants du gouvernement et de la société civile ». Et dans le cas d’espèce, poursuit le Ministre, « le contrat de partage de production renferme des dispositions sur la bonne gouvernance, respectant les exigences de l’industrie pétrolière internationale, qui obligent les parties en présence à des bonnes pratiques en vue de garantir la transparence dans la gestion des ressources », justifie-t-il.
Toujours dans sa démarche de tentative de conviction, Didier fait mention aux bénéfices dont jouiraient les riverains des blocs concernés par les exploration et exploitation. « Et même s’agissant des projets sociétaux, ils impliqueront fortement les populations riveraines directement affectées par les activités pétrolières. Celles-ci participeront directement à l’élaboration des cahiers des charges dans le cadre des comités de concertation dont elles sont membres en part entière. Et ces projets en faveur des populations riveraines, débutent dès le démarrage de la phase d’exploration ; sans attendre celle de l’exploitation… » Fait-il voir.

Elles ne sont pas suffisantes, les explications de Budimbu…
Jusqu’ici, rien ne peut convaincre que réellement les retombées de l’exploitation des blocs pétro-gaziers seront pérennes en faveur des populations locales. Dans plusieurs cas d’exploitation pétrogazière, l’on a des initiatives très robustes. A titre d’exemple, l’on note la mise en route du ‘’Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz sénégalais, au Sénégal (COS Petrogaz)’’ ou encore les fonds souverains dans d’autres pays… La RDC a-t-elle, elle aussi, une initiative dans ce sens ? parmi les innovations phares apportées par la loi de 2015 portant régime général des hydrocarbures, répond le ministre, « figure notamment la création d’un fonds en faveur des générations futures, dont le projet de mise en œuvre est en cours ».
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En revanche, au sujet des mesures spécifiques fiscales, douanières, politique de change et de gestion des devises à prendre pour assurer la réussite de l’actuelle étape, Kinshasa rend confiant : « l’ensemble de ces préoccupations fera l’objet de discussions lors de la négociation pour la signature du contrat de partage de production, en prenant en compte les dispositions déjà préétablies et la catégorisation des blocs en zones fiscales », confie le ministre des hydrocarbures.
Il rebondit par ailleurs : « L’essentiel à retenir pour le moment est que la RDC soutient l’allègement des mesures sus évoquées afin d’inciter les entreprises pétrolières à venir investir dans ce secteur. Notre objectif est de transformer en richesse le potentiel en hydrocarbures de nos bassins sédimentaires. Les cahiers des charges en cours d’élaboration donneront quelques orientations clés ».
Risque de désertification, les ONGs inouïes… Kinshasa est-il sur les flancs de la mauvaise côte ?
Pas question ! Car l’une des innovations phares apportées par la loi de 2015, explique Budimbu, « porte sur le renforcement de la protection de l’environnement et du patrimoine culturel ». Et il s’en félicite que cela soit je cite : « opposable à toutes les entreprises pétrolières qui seront sélectionnées pour opérer les blocs pétroliers et gaziers », fin de citation. Il approfondie ses explications : « L’une des exigences faites à ces entreprises, portera sur l’utilisation dans les travaux d’exploration-production ; des nouvelles technologies visant à protéger l’environnement ».
Plusieurs ONGs qui estiment par ailleurs que ces concessions affectent des zones protégées, Budimbu les recadre. Il n’est surtout pas question de chercher à lui jeter de la poudre aux yeux, encore Kinshasa se croit en position de donneur des leçons en matières de sauvegarde de l’environnement.« La RDC est un pays responsable qui sait respecter ses engagements et, en même temps, qui a l’obligation de répondre aux besoins de ses populations, tout en préservant l’environnement dont les aires protégées font partie ».
Peut-être une chance pour Kinshasa…
Alors qu’au début de l’annonce des appels d’offres plusieurs Majors ont semblés indifférentes, aujourd’hui la donne va changeante : Eni, TotalEnergies, Exxon… s’affichent de plus en « prêtes à livrer bataille pour le pétrole congolais ».
Cité par lequotidien économique britannique Financial Times, Didier Budimbu avait assuré en date du 19 juillet 2022 que « TotalEnergies, ExxonMobil et Eni figuraient parmi les pétroliers à avoir manifesté un intérêt pour l’acquisition des blocs mis aux enchères ».
Géantes dans le secteur pétrolier et actif dans plusieurs pays (14 par exemple pour Eni), TotalEnergies et Eni, ont été ces dernières années, boostées par la hausse de la demande mondiale et la reprise des cours. Des informations révèlent que ces Majors ont réalisé des solides performances au deuxième trimestre 2022. Des précisions vont jusqu’à confier que « pour Eni, le résultat net ajusté a été multiplié par plus de 4, par rapport à la même période en 2021, à 3,89 milliards de dollars. Son concurrent français TotalEnergies a quant à lui réalisé 5,7 milliards de dollars de bénéfices au cours de la même période ».
http://naturelcd.net/2021/11/07/cop26-felix-tshisekedi-et-boris-johnson-signent-un-engagement-pour-proteger-la-foret-de-la-rdc/ : RDC-PETROLE : Kinshasa engloutie les voix des ONGs environnementales 2/3Évaluées à quelque 22 milliards de barils de pétrole brut et 66 milliards de normo mètre cube (nm³) de gaz, les principales ressources pétro-gazières de la RDC sont reparties sur les principaux bassins sédimentaires du pays : le bassin côtier, le bassin de la cuvette centrale ou encore les bassins de la branche ouest du Rift est-africain.
Au Congo-Kinshasa, les hydrocarbures contribuent aujourd’hui à, seulement 6 % du budget national, alors que la future exploitation par contrat de partage de production, de ses différents gisements attend contribuer à porter à 40 %, la part du secteur dans les recettes de l’État, d’après le gouvernement congolais.
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