

Dans un travail de Fin de Cycle présenté par MUMBERE MUHONGYA ALPHA chercheur à l’UNIVERSITE LOYOLA DU CONGO Master1 Agroforesterie, il est dit que nombreux facteurs limitent la production de la culture de la patate douce dans les villages de l’axe Musienene en territoire de Lubero en province du Nord-Kivu, partie Est de la RDC.
Parmi ces facteurs, on cite la perte progressive des variétés traditionnelles, la baisse de la fertilité des sols, le manque des variétés à haut potentiel de rendement, la pression parasitaire, le manque de disponibilité de bonnes semences en temps utile et le faible niveau d’adaptation des technologies mises au point par la recherche (N’guessan Ket al. 2021).
La patate douce cultivée à Musyene est l’une des cultures préférées en RDC
La patate douce constitue une culture pratiquée sur l’ensemble de la République Démocratique. Riche en éléments nutritifs, cette culture pratiquée par les petits agriculteurs occupe une part importante dans la sécurité alimentaire dans les ménages pauvres. En dépit de nombreuses contraintes (agronomiques, économiques et institutionnelles), la productivité de la patate douce est en baise avec un rendement d’environ 8 tonnes par ha -1 . En vue de mettre en place des stratégies d’amélioration de la productivité en milieu paysan, cet article a pour objectif de faire un état de lieux de la culture de la patate douce en territoire de Lubero à l’Est de la République Démocratique du Congo Pour atteindre cet objectif, une enquête a été réalisée auprès de 100 agriculteurs répartis dans 5 localités situées entre Musienene-Lubero, Musienene-Lukanga, Mulo, Lubero et Kimbulu. Les statistiques descriptives à travers le calcul des moyennes et des fréquences ont été réalisées pour toutes les localités considérées.
Le test de Chi-carré d’indépendance de Pearson a été utilisé pour déterminer le degré d’association entre les localités et les paramètres étudiés. Les résultats de l’étude montrent que l’agriculture constitue une activité économique pratiquée par 70 % des habitants de la zone considérée. Parmi l’ensemble des cultures pratiquées, la patate douce occupe la première position pour 54 % des agriculteurs interrogés. Cette culture s’effectue sur des petites surfaces dont la moyenne est estimée à 6.2 ares.
Néanmoins, la culture est confrontée à des nombreuses contraintes : faible fertilité des sols, la dégénérescence des variétés existantes et l’utilisation des techniques culturales traditionnelles. Le rendement varie entre 5.6 t/ha et 6 t/ha.
Par ailleurs, 64 % de la production de la patate douce est destinée à la consommation familiale. La production procure chaque année un revenu moyen de 187 500 francs congolais soit environ 117 dollars américains. Des chiffres qui ne convinquent vraiment pas pour une économie ménagère.
Il s’avère alors de cet effet, nécessaire qu’à l’issue de cette étude, soient définis des mécanismes de renforcer la formation des agriculteurs sur les techniques de culture adaptés et de vulgariser des variétés améliorées adaptées à la région, qui puissent également contribuer au relèvement de l’économie locale.
Situation géographique
Musienene est un village situé dans la Chefferie des Baswagha, en territoire de Lubero, province du Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo.
Cette chefferie est localisée sur les hautes terres tièdes du territoire de Lubero (Vyakuno, 2006). Le climat dans la zone d’étude est du type équatorial sous influence des montagnes. Les températures y sont fraiches avec une moyenne diurne de 17 à 18°C et l’altitude moyenne est de 1800 m. Il pleut presque toute l’année bien que la répartition des précipitations soit en fonction de l’altitude et du passage de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) (VYAKUNO, 2006).
La population dans la zone d’étude (l’axe routier Musienene-Lubero) est majoritairement composée d’une seule ethnie (les Nande). De 95% de la population du territoire de Lubero sont des Nande avec 53.1% des femmes et 46.9% des hommes (Kitakya, 2007). La population vit en grande partie de l’agriculture. Toutefois, le commerce et l’élevage sont aussi largement pratiqués par les ménages. D’ailleurs Mirembe (2005) avait reconnu le dynamisme économique des Nande.
Caractéristiques socioéconomiques des agriculteurs
En effet, les femmes sont les plus actives (67 %) dans les activités de production de la patate douce. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par d’autres chercheurs. Comme dans la plupart de zones rurales en Afrique, les hommes s’occupent des activités majeures des ménages et sur le plan agriculture, des cultures industrielles ou avec une valeur économique importante, contrairement aux femmes qui sont concernées par les cultures de subsistance (Hill & Vigneri, 2014 ; Zakaria, 2017 ; Mondo et al., 2019). S’agissant de l’âge des agriculteurs, la majorité des agriculteurs soit 70 % ont un âge situé entre 25 et 50 ans. Presque tous sont mariés (71.0%) et 54.7% ont de ménages avec plus de 5 personnes. Ces résultats montrent que la jeunesse est de moins en moins intéressée par la culture de la patate douce. Cette dernière est plus pratiquée par des personnes ayant des responsabilités familiales.
Par ailleurs, 43 % des agriculteurs enquêtés ont fréquenté l’école secondaire. L’agriculture reste leur activité principale ; celle-ci est suivie du commerce (38.0%) comme activité secondaire des ménages. Plusieurs enquêtes ont trouvé des résultats similaires et ont montré que plus de 70% de la population congolaise s’occupent de l’agriculture et cette agriculture constitue le poumon de l’économie, de l’échelle locale à la nationale (IFPRI, 2014).
Aspects généraux sur les cultures et les champs
Dans les 4 localités considérées, la culture de la patate douce est la plus cultivée (54.0% des agriculteurs). Elle est suivie respectivement du maïs, du haricot et d’utres cultures (quinquina à Kimbulu, canne à sucre à Lukanga, manioc à Lubero et Mulo) (tableau 2).
La faible fréquence de citation de la culture de la pomme de terre, du haricot et du maïs s’expliquerait par le fait que ces cultures sont saisonnières. Le tableau 2 montre également que plus de la moitié des enquêtés ont de champs de dimension d’une parcelle, ce qui explique en grande partie l’inexistence des plantations des cultures industrielles.
Faisant allusion à la population, il faut dire que les hautes terres du territoire de Lubero sont caractérisées par une pression démographique qui a des conséquences négatives sur la répartition des terrains à cultiver, engendrant ainsi de nombreux conflits terriens (Vyakuno, 2006 ; Vikanza, 2011).
En conséquence, la faim s’installe dans les familles paysannes car les champs à exploiter deviennent trop petits (Wasukundi, 2020).
Les terres sont acquises par fermage (44 % des agriculteurs). 26% des agriculteurs ont soit acheté leurs champs ou les ont acquis par héritage (tableau 2). Ces résultats sont conformes à la réalité de notre milieu d’étude. Dans le territoire de Lubero, les terres sont possédées par des chefs terriens appelés «Vakama » qui détiennent le monopole de gestion de la terre et par ce fait, reçoivent annuellement soit une poule soit une chèvre selon la dimension du champ pour son exploitation.
Près de 88 % de champs des agriculteurs interrogés se trouvent dans les bas-fonds et sur les collines et 16% des champs seulement sur des terrains plats. En effet, les hautes terres du territoire de Lubero sont caractérisées par une topographie accidentée avec des collines (Vyakuno, 2006) dont les vallées sont de bas-fonds souvent marécageux (cas des bas-fonds de Musienene, le Nord de Lubero et une grande partie de Mulo). 3.3.
Facteurs de production de la patate douce
Pour le chercheur Alpha MUMBERE, naturellement la patate douce est cultivée sans usage d’engrais puisqu’elle est une culture plastique vis-à-vis des exigences édaphiques (Mbusa, 2017) et souvent cultivée en monoculture et lorsqu’elle est cultivée en association, elle est associée au haricot. Le niveau bas de rendement serait expliqué par l’absence de programme d’amélioration de cette culture dans le milieu et à l’utilisation lointaine de mêmes variétés dans le milieu qui, aujourd’hui sont dans la phase de dégénérescence.
A la page 8, le tableau numéro 2 explique le taux de la production de patate douce dans le village de Musyenene, les résultats de la figure 2 montrent en outre, que dans les champs des agriculteurs de Musienene, le rendement estimé en racines tubéreuses est de 8,4 t/ha pour la variété Elengi ou PDL supérieur au rendement estimé de Lukanga (variété Mbaiteka), Kimbulu (variété Kikoma), Lubero (variété Elengi) et Mulo (variété Tembela) avec respectivement 6,8 ; 6,2 ; 5,9 et 5,6 t/ha.
Ces différences de rendement peuvent s’expliquer de deux manières, premièrement le rendement en racines tubéreuses est un facteur variétal (Gurmu, 2015). Il y a des variétés qui sont potentiellement productives que d’autres. Le deuxième facteur se rapporte aux techniques culturales qui sont différentes d’un milieu à un autre. Le facteur altitudinal et la fertilité de sols jouent aussi un effet important. Lubero et Mulo sont caractérisés par des bas-fonds qui sont pour la plupart de cas, gorgés d’eau rendant difficile la tubérisation. Ces différents rendements estimés sont inférieurs à celui enregistré dans la chefferie des Baswagha qui est de 8 t/ha (AGRIPEL TERRITOIRE DE LUBERO, 2018), bien que même celui de la chefferie soit inférieur au rendement moyen africain qui est de 12 t/ha (FAOSTAT, 2019).
Utilité de la culture de patate douce en Musienene-Lubero
Les résultats de la recherche prouvent l’existence d’une dépendance entre les localités et les paramètres portant sur l’utilisation des produits issus de la culture de patate douce. S’agissant de la cueillette, 11.0% pratiquent la cueillette des feuilles soit pour l’alimentation humaine (variété Matembela) soit pour l’alimentation animale.
Par contre, 89.0% des enquêtés ne cueillent pas les feuilles. Concernant l’utilisation des racines, la majorité des enquêtés soit 58.0% consomment les racines tubéreuses sous différentes formes notamment bouillies (90.0%) et grillées (10.0%). Trente-six pourcent vendent leur produit de récolte dont 61.0% utilisent le profit pour la diversification alimentaire, 19.0% pour la scolarisation des enfants. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), une grande partie de la production des racines tubéreuses de patate douce des pays de l’Afrique subsaharienne est destinée à l’alimentation humaine contrairement à la Chine où près de 90% de la production intervient dans l’alimentation du bétail (Gurmu, 2015).
Par ailleurs, la patate douce est considérée comme une culture de subsistance dans des nombreux pays africains intervenant souvent dans l’alimentation familiale. Après la vente de leur patate douce au niveau de nombreux marchés du territoire de Lubero, bon nombre de mamans vendeuses de denrées alimentaires rentrent dans les villages de résidence avec du poisson pour la diversification de leur régime alimentaire des ménages.