Les bêtes en divagation de cette aire protégée, située dans la localité de Campo au sud du Cameroun à frontière avec la Guinée Equatoriale, détruisent les plantations des villageois et n’hésitent pas à s’attaquer physiquement aux personnes.
« Si vraiment le gouvernement peut prendre en charge le parc de sorte que les bêtes ne soient plus en divagation, cela nous ferait un très grand bien ». C’est par ces termes qu’Emilienne Deng, cultivatrice au village Akak (10 km du parc), nous a accueillis ce 4 juillet 2023 ; les yeux pleins de larmes, elle nous conduit dans son champ d’un hectare et demi situé derrière sa maison. Ici macabo, pistache, plantain igname, manioc… en germination ont été totalement saccagés par des éléphants venus du Parc.
« Quand un éléphant arrive dans le champ de pistache, il piétine tout ça, Les tubercules de manioc il arrache et mange tout, même si ce n’est pas encore mature » se lamente la quinquagénaire.
Akak, n’est pas un cas isolé dans la région ; Assok Bitandé un autre village parmi ceux qui environnent l’air protégée, fait l’objet des visites répétées des pachydermes qui détruisent tout sur leurs passages même jusqu’aux cocotiers.
D’ailleurs, nous confie le notable Parafait Ondo, « les éléphants ont désormais élu domicile dans l’étang qui alimentait tout le village en eau potable », « aucune récolte n’est encore possible dans nos champs de maïs puisqu’ils sont systématiquement détruits par ces bêtes sauvages » conclut-il. Derrière sa maison deux cocotiers fraichement renversés et le sol jalonné des crottes d’éléphant, témoignent encore du passage récent de ces mammifères, quant à sa bananeraie, elle n’est plus qu’un champ de ruine.
VIE DANS LA PSYCHOSE
C’est donc un climat de terreur qui règne autour du Parc National de Campo Ma ‘an ; puisqu’à la destruction des champs et plantations, s’ajoutent des attaques physiques des animaux sur les hommes. Peu avant notre passage, c’est le chef de troisième degré du village Nazareth qui a failli passer de vie à trépas avec son épouse : Jean René Mbili s’était rendu à Campo, chef-lieu de l’arrondissement, pour regarder les matches de football à la télévision nationale ; de retour sur sa moto , à la tombée de la nuit , à quelques mètres de leur domicile ils ont été la cible d’attaque d’un éléphant « Nous tous nous sommes attaqués , dit-il , il y a quelques mois, un éléphant a failli nous tuer là au bosquet mon épouse et moi-même. Il s’est couché sur la route en nous menaçant de ses barrissements. Malgré tous les coups de klaxon et les jeux de phares que j’ai donnés il n’a pas bougé. Nous aussi on a résisté et insisté avec les jeux de phares avant qu’il ne consente à s’en aller », raconte-t-il.
Le chef du village souligne qu’à partir de 22h il ne pas bon de sortir de chez soi, car ces grands mammifères qui rôdent en permanence autour des habitations sont également près à s’attaquer aux hommes
A Nkoe Elone les mois d’août, septembre voire octobre sont réputés très dangereux , car ils correspondent à la saison des pluies , période au cours de laquelle abondent les fruits dans la forêt et dans les champs, des fruits très prisés par les chimpanzés, les guenons mais surtout les gorilles qui n’hésitent pas à charger toutes personnes qu’ils croisent sur leurs chemins particulièrement les femmes qui vont dans les champs pour récolter le manioc, nous explique Orphé Ntoutoumou jeune guide touristique de Nkoe Elone..
Pour sauver leurs champs et prévenir toute attaque d’animaux, de nombreuses techniques de dissuasion des bêtes ont été mises en place. Malheureusement, elles se sont toutes révélées inefficaces. « Je ne sais pas qui a dit aux éléphants qu’ils sont déjà protégés, parce qu’avant, cet animal n’affrontait pas facilement l’homme« , se souvient Paul Obate Akono , chef de trois degré de Nkoe Elone . « Il suffisait de faire un grand feu dans les champs et les animaux s’éloignaient, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas, tu alunes même un brasier toute la nuit, l’éléphant mange désormais à côté de ce feu », affirme l’autorité traditionnelle. Même l’odeur des palmistes brulés qui les faisait fuir n’ont plus d’effet, tout comme les ruches d’abeilles et la ceinture de piments renchérit, s’exclame Judith Ekom habitante du village Mabiogo.
MUTISME DES AUTORITES
La population affirme avoir maintes fois saisi les autorités soit verbalement ou par écrit pour être dédommagée, malheureusement les plaintes sont restées lettre morte si ce n’est de vaques promesses que les dossiers seront examinés.
Du côté de la conservation, on reconnait l’ampleur de la situation, on souligne cependant que la loi camerounaise considère ces événements comme des catastrophes naturelles, qui relèvent de la compétence non pas du ministère des forêts et de la faune mais plutôt de la protection civile et donc du ministère de l’administration territoriale. Toute fois poursuit Claude Mamvi Abessolo des rapports ont déjà été transmis à la haute hiérarchie ; il indique également tenir régulièrement des réunions de sensibilisation avec les populations, qui, regrette t il s’est installé pour certaines sur les couloirs de migration des bêtes.
Selon des experts, la divagation des animaux du Parc National de campo Ma’an qui s’est accentuée ces vingt dernières années dans la région, est liée à la déforestation pour les besoins des agro industries et des grands projets structurant, ce qui a contribué à réduire l’espace de vie des animaux et détruit leurs couloirs de migration, à cela il faut ajouter le braconnage.
Il faut rappeler que le Parc National de Campo Ma’an a été créé en janvier 2000 par décret du Premier Ministre. Il avait pour but de protéger la diversité biologique de la forêt littorale de la région contre les dégâts de la déforestation et du pipeline Tchad Cameroun. Il a une superficie de 2,604 Km2, il regorge 1500 espèces de plantes dont 114 endémiques, 80 grands et moyens mammifères, 112 reptiles et 302 oiseaux.
Ebénizer DIKI depuis Cameroun