Nord-Kivu : Rubaya, une mine d’or noir méconnue des Congolais

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Située dans le territoire de Masisi, au sein du groupement Mupfunyi-Matanda, dans la chefferie de Bahunde (Nord-Kivu, RDC), la mine de Rubaya est un site stratégique de 3 000 hectares qui produit entre 15 et 30 % du coltan mondial, avec une pureté estimée à 30 %. Pourtant, cette richesse colossale reste méconnue de nombreux Congolais. Cette cité minière, au potentiel économique énorme, est malheureusement marquée par des tensions armées aux implications locales, nationales et internationales.

Une cité minière au cœur des convoitises internationales

Rubaya, nichée dans un paysage vallonné et verdoyant, abrite plus de 20 000 habitants vivant principalement de l’agriculture et de l’exploitation minière artisanale. Cette région est mondialement convoitée pour son coltan, un minerai essentiel dans la fabrication des condensateurs de smartphones, utilisé notamment par des géants de la technologie comme Apple et Samsung.

Cependant, son exploitation s’effectue souvent dans des conditions inhumaines. De nombreux rapports d’ONG dénoncent la mainmise de groupes armés qui contrôlent une partie de l’extraction et du commerce des minerais, d’où la qualification de « minerais de sang ».

Une richesse ignorée des Congolais

Interrogés sur les ressources de Rubaya, de nombreux Congolais ignorent que ses montagnes et vallées regorgent non seulement de coltan, mais aussi de cobalt, d’étain, de tantale et de tungstène. Officiellement, l’exportation de ces minerais est interdite en raison de la suspension de leur certification. Pourtant, l’extraction et la commercialisation clandestines se poursuivent.

Depuis la prise de contrôle de Rubaya par le groupe rebelle M23 en mai 2024, les autorités congolaises ont interdit toute exportation de minerais provenant de cette zone. En réalité, ces exportations continuent, notamment via la frontière rwandaise toute proche. Un rapport des Nations Unies estime que 150 tonnes de coltan de Rubaya sont exportées illégalement chaque mois, générant environ 800 000 dollars pour le M23 rien qu’en taxes sur la production et le commerce du minerai.

Un contrôle disputé entre milices et entreprises minières

À l’origine, la mine de Rubaya appartenait à la Société Aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA), une entreprise publique congolaise. En 2001, son exploitation fut confiée à la Société Minière de Bizunzu (SMB), propriété du député Édouard Mwangachuchu Hizi. Ce dernier a été condamné à mort en octobre 2023 par la justice militaire congolaise pour détention illégale d’armes, participation à l’insurrection du M23 et trahison. Sa peine a été automatiquement commuée en prison à perpétuité.

Avant l’arrivée du M23, la mine était sous le contrôle du groupe Résistants Patriotes Congolais / Force de Frappe (PARECO-FF), dirigé par Sendugu Museveni, un dissident du M23 depuis 2022. Ce groupe travaillait avec la Coopérative des Artisanaux Miniers de Masisi (COOPERAMMA), majoritairement composée de creuseurs Hutu, en opposition avec la SMB appartenant à Mwangachuchu, un Tutsi.

Entre 2023 et 2024, des sources indiquent que le coltan extrait sous cette administration était exporté hors d’Afrique via le Burundi, avec la complicité de certains hauts responsables du ministère congolais des Mines, malgré l’interdiction gouvernementale.

Le M23, maître du jeu économique et militaire

Depuis avril-mai 2024, la mine est sous le contrôle du M23, soutenu par le Rwanda. Grâce à ses récentes avancées militaires et à sa mainmise sur des axes stratégiques, notamment Minova et Kalungu sur les rives du lac Kivu, le M23 a doublé ses revenus mensuels liés à la taxation du coltan, atteignant environ 300 000 dollars par mois.

En parallèle, l’axe Mushaki-Sake-Goma, désormais sous contrôle du M23 et des Forces rwandaises de défense (RDF), sert de corridor pour l’exportation massive de minerais. De nombreuses tonnes de coltan transitent chaque jour vers le Rwanda via la frontière de Goma-Rubavu, sans grande discrétion, indique la République.net

Un trésor qui échappe au peuple congolais

Le site minier de Rubaya incarne un paradoxe : un territoire regorgeant de richesses naturelles, mais dont les bénéfices échappent largement à la population congolaise. Tant que cette mine restera sous le contrôle de groupes armés et de circuits d’exportation clandestins, son potentiel économique ne profitera pas au développement du pays.

La question demeure : jusqu’à quand cette « caverne aux trésors » continuera-t-elle d’enrichir des réseaux étrangers et rebelles, au détriment du peuple congolais ?

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