

Dans un moment historique pour le droit international de l’environnement, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu un avis consultatif majeur, confirmant que les États ont des obligations juridiques contraignantes pour prévenir les dommages environnementaux causés par le changement climatique, y compris ceux liés à la production de combustibles fossiles et aux subventions qui leur sont accordées.
Le contexte : une demande initiée par le Pacifique
En mars 2023, l’Assemblée générale des Nations unies avait voté en faveur d’une demande d’avis consultatif à la CIJ, à la suite d’une initiative menée par le Vanuatu et des jeunes défenseurs du climat originaires des îles du Pacifique. Cette procédure avait suscité un engagement mondial sans précédent, avec 96 États et 11 organisations internationales ayant soumis des mémoires écrits – un record de participation pour une affaire portée devant la Cour, indique l’ONG Action pour le climat.
Selon la CIJ, les avis consultatifs « ont un grand poids juridique et une autorité morale », et jouent souvent un rôle en matière de diplomatie préventive et de maintien de la paix. Ils contribuent également au développement du droit international et au renforcement des relations pacifiques entre les États.
Un avis sans ambiguïté : les États doivent agir
Ce mercredi, 23 juillet 2025, la CIJ a publié son avis consultatif historique, marquant la première fois que la plus haute juridiction de l’ONU déclare de façon explicite que le non-respect des engagements climatiques peut entraîner une responsabilité juridique et des réparations.
Le juge Iwasawa Yuji, président de la CIJ, a déclaré que le dérèglement climatique représente une « menace existentielle urgente », aux conséquences étendues sur les écosystèmes et les droits humains. La décision de la Cour affirme que les États doivent non seulement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi réguler les activités qui les provoquent, comme le soutien à l’industrie des combustibles fossiles par le biais de subventions ou de licences d’exploration.
Il est désormais clair que les gouvernements sont juridiquement tenus de réguler les impacts climatiques du secteur privé, et pas uniquement ceux de leurs propres institutions publiques.

Des responsabilités différenciées, mais renforcées
Comme l’explique ClientEarth, les pays qui ont historiquement consommé le plus de combustibles fossiles ont désormais des devoirs accrus en droit international : réduire rapidement leurs émissions, mais aussi aider les nations les plus touchées par les effets du changement climatique.
Le professeur Jorge Viñuales, de l’Université de Cambridge et membre clé de l’équipe de juristes soutenant le Vanuatu, estime que cet avis « ouvre un nouveau front dans le contentieux climatique », en offrant aux États une base juridique pour réclamer des réparations au titre des pertes et dommages. Cette revendication est portée depuis longtemps par les pays en développement, mais souvent rejetée par les pays riches.
Le climat et les droits humains désormais liés
Autre avancée significative : la CIJ reconnaît qu’un environnement propre, sain et durable est essentiel à la vie humaine et aux droits de l’homme garantis par le droit international. Le professeur Viñuales souligne qu’il s’agit de la première fois que la plus haute autorité du droit international établit un lien direct entre inaction climatique et violation potentielle des droits humains — une reconnaissance que les précédentes résolutions du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations unies n’avaient pas encore pleinement exprimée.
Une norme juridique pour l’ambition climatique
La CIJ a également fixé une norme juridique claire pour les engagements nationaux en matière de climat : les États doivent viser « le plus haut niveau d’ambition possible » dans la réduction de leurs émissions, et mettre en œuvre ces engagements de bonne foi. Ne pas le faire, notamment au vu du consensus scientifique autour de la limite de +1,5 °C, pourrait constituer une violation du droit international.
En résumé, ClientEarth souligne que cette décision offre un guide clair aux juges du monde entier, qui influencera les contentieux climatiques pour les décennies à venir. Elle constitue aussi un outil de plaidoyer puissant pour les citoyens souhaitant tenir leurs gouvernements responsables — et à l’inverse, renforce les autorités publiques prêtes à agir pour protéger les droits humains et éviter les catastrophes climatiques.
Fin de l’impunité pour les grands pollueurs
Nikki Reisch, directrice du programme Climat et Énergie au Centre international de droit environnemental, a déclaré :
*« Cette décision monumentale de la plus haute cour du monde ne représente pas seulement un tournant dans le droit international, mais un *point de non-retour sur la voie de la justice climatique et de la responsabilité. »
Elle poursuit :
*« Aucun État n’est à l’abri des impacts climatiques, et aucun État n’est au-dessus des obligations climatiques. La Cour a rejeté les tentatives des producteurs de combustibles fossiles de faire oublier leurs émissions historiques, et a signalé la fin de l’ère de l’impunité pour les grands pollueurs. Le message est clair : il n’y a pas d’exception pour la destruction climatique en droit international, et *aucun obstacle juridique ou technique n’empêche de tenir les États responsables. »
Une victoire portée par la jeunesse
Enfin, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a salué la décision :
*« Je me réjouis que la CIJ ait clairement établi : tous les États sont tenus, en vertu du droit international, de protéger le système climatique mondial. C’est *une victoire pour la planète, pour la justice climatique, et pour le pouvoir de la jeunesse qui montre la voie. »