Nord-Kivu : sur une terre meurtrie, la nature comme promesse de paix

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Analyse de Emmanuel Kasereka Bin Vingi, journaliste environnemental à Goma

Au Nord-Kivu, la nature est à la fois bénédiction et fardeau. Dans une réflexion lucide, Emmanuel Kasereka Bin Vingi décrypte la richesse naturelle de cette province convoitée et meurtrie par des décennies de conflits armés. Pour le journaliste, le plus grand paradoxe réside dans cette terre si fertile, transformée en champ de bataille, alors qu’elle pourrait être un socle de réconciliation.

À travers les collines verdoyantes et les forêts épaisses, la nature observe — impuissante mais constante — les tourments de l’histoire humaine. Là où elle nourrit, elle est pillée. Là où elle abrite, elle est profanée. Pourtant, c’est dans ses racines que germe encore l’espoir d’une paix durable.

Des forêts profanées aux sols disputés

À Beni ou Walikale, les forêts, jadis sanctuaires de biodiversité, servent aujourd’hui de refuges à des groupes armés. À Masisi ou Rutshuru, les terres agricoles deviennent des zones de tension, où la richesse des sols attise des conflits sans fin. Plus profondément, dans les entrailles de la province, coltan, or et cassitérite alimentent une malédiction silencieuse : des ressources qui, au lieu de porter le développement, creusent la discorde.

Pour Kasereka, ces cicatrices écologiques racontent avant tout les douleurs humaines : « La nature souffre… et se souvient. »

Des racines pour panser les plaies

Pourtant, même sur cette terre meurtrie, des graines de paix éclosent. À Lubero, des coopératives agroécologiques réunissent des jeunes de communautés autrefois ennemies. Ensemble, ils sèment, compostent, récoltent et, surtout, se reparlent.

Dans les collines, des femmes et des anciens reboisent. Leur geste, humble mais puissant, traduit une volonté de réparer. « Réconcilier la Terre et ceux qui y vivent », rappelle Emmanuel Kasereka. Les traditions ressurgissent : on honore l’arbre ancien, on protège le marais sacré. Un retour aux valeurs ancestrales, où l’harmonie avec la nature a toujours été un pilier de la paix.

Radios, sages et gardiens de la parole

Sur les ondes de Beroya FM et d’autres stations communautaires, des voix se lèvent : celles des protecteurs de l’eau, des agriculteurs résilients et des gardiens de mémoire. Les médias, en amplifiant ces récits, deviennent des acteurs de cohésion et de confiance.

Kasereka souligne le rôle moteur des femmes : éducatrices de l’environnement, porte-voix de la paix, elles incarnent l’alliance entre développement durable et réconciliation. Il en parle chaque jour dans ses émissions sur Beroya FM.

Chefs coutumiers et guides spirituels, eux, rappellent une évidence : « Là où la terre est respectée, le cœur des hommes s’ouvre. » Par leur sagesse, ils replacent la nature au cœur d’un pacte moral et communautaire.

Une promesse silencieuse

« La terre du Nord-Kivu a tout vu : l’exil, la douleur, la division. Mais elle porte aussi, dans son silence, la promesse d’un lien nouveau. Protéger la nature ensemble, c’est peut-être le plus ancien, et le plus moderne, chemin vers la paix », conclut Emmanuel Kasereka Bin Vingi.

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