
À l’ombre des grands arbres du parc national de Ntokou-Pikounda, en République du Congo, une silhouette féminine avance, discrète mais résolue. Elle s’appelle Ruth Belvanie Mondzongo. Et elle est la première femme écogarde de cette immense forêt tropicale, royaume des éléphants, des gorilles et du mythique colobe rouge de Bouvier.
Chaque 31 juillet, la Journée mondiale des écogardes rend hommage à ces hommes et femmes qui veillent sur la biodiversité aux quatre coins du monde. Ils luttent contre le braconnage, protègent les espèces menacées, surveillent les territoires protégés et sensibilisent les communautés locales. Un engagement total, souvent au prix d’innombrables sacrifices. Ruth en est un exemple vivant.
Une pionnière dans un univers masculin
Originaire du village de Ntokou, Ruth n’a pas choisi la facilité. Formée au même titre que ses collègues masculins, elle a endossé l’uniforme en 2018. Seule femme dans son équipe, elle a su gagner sa place, jour après jour, mission après mission.
« Avec mes collègues, tout se passe bien. Je suis devenue comme un homme ! » sourit-elle.
Dans un métier où près de 9 écogardes sur 10 sont des hommes, Ruth incarne une avancée pour l’égalité. Elle n’est pas seulement la première femme de son parc. Elle est une voix, un symbole, une inspiration.
La forêt comme terrain de vie… et de danger
Le quotidien d’une écogarde est rude. Les patrouilles peuvent durer jusqu’à deux semaines, dans la moiteur de la forêt, loin de tout confort, exposée aux risques de maladie, aux animaux sauvages… et parfois aux balles des braconniers.
« Vivre en forêt, c’est déjà un danger. Parfois, des braconniers nous suivent en silence. On a été attaqués sur la rivière. Et si l’on tombe malade, il faut espérer que le signal satellite fonctionne pour appeler à l’aide. »
Mais Ruth tient bon. Car pour elle, cette mission dépasse les difficultés : elle est devenue une vocation, une fierté, un héritage à transmettre.
Le rêve d’une petite fille devenu engagement
« J’ai voulu devenir écogarde pour avoir un vrai travail, pour ma fille. Quand j’étais petite, j’écoutais les anciens raconter des histoires sur l’éléphant. Ils disaient qu’il était gros comme une maison ! J’ai rêvé d’en voir un. Aujourd’hui, je les protège. »
Ruth veille, surveille, collecte les traces, identifie les signes de braconnage. Elle utilise un GPS, géolocalise les observations, envoie ses rapports. Son outil principal : la patience. Et son arme la plus précieuse : le dialogue.
Dialoguer plutôt que combattre
Face aux pêcheurs ou chasseurs illégaux, Ruth privilégie l’échange. Elle questionne, explique, désamorce. Car bien souvent, les infractions sont liées à la pauvreté, à l’ignorance des règles ou au désespoir.
« Quand on tombe sur un campement illégal, ça se passe généralement bien. Mais il y a aussi des gens violents. Il faut gérer au cas par cas. »
Sa formation ne se limite pas à l’embuscade ou au camouflage. Elle a aussi appris à faire preuve d’écoute, de diplomatie, d’empathie.
Les écogardes, piliers silencieux de la biodiversité
Les écogardes assurent la surveillance d’environ 15 % des terres émergées de la planète et de 7 % des océans. Ils sont les sentinelles invisibles de la nature. Mais ils ne sont pas que des protecteurs d’animaux. Ce sont aussi des agents de changement social.
En percevant un revenu stable, Ruth sort sa famille de la précarité. En incarnant ce rôle avec détermination, elle devient un modèle pour les jeunes filles de son village. Et en s’épanouissant dans cette fonction, elle démontre que les femmes ont toute leur place dans la conservation.
Vers un avenir plus équitable pour la planète et les femmes
Aujourd’hui, seules 11 % des écogardes à travers le monde sont des femmes. C’est peu. Trop peu. Pourtant, leur rôle est crucial. Elles créent des ponts entre la nature et les populations. Elles bâtissent la paix, là où règnent parfois les conflits.
En soutenant des femmes comme Ruth, c’est toute une vision du monde que l’on fait grandir : un monde plus juste, plus respectueux, plus solidaire – où humains et nature peuvent enfin vivre en harmonie.