La conférence des Nations unies sur la biodiversité a débuté lundi en Colombie par un appel à la « Paix avec la nature », avec l’ambition de débloquer les moyens financiers nécessaires pour respecter les objectifs de stopper d’ici 2030 la destruction de la biodiversité par l’humanité. La ministre de l’Environnement colombienne Susana Muhamad a ouvert les débats en prenant la présidence de cette 16éme conférence de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (CDB), lors d’une première séance plénière ouverte par une prière à la « Pachamama », la Terre-Mère, prononcée par des membres de l’un des 115 peuples autochtones du pays.
Cette COP Biodiversité, la plus grande jamais organisée avec 23.000 inscrits, se tient sous haute sécurité en raison des menaces d’une guérilla en guerre ouverte avec le gouvernement colombien. Environ 11.000 policiers et soldats renforcent la sécurité à Cali (sud-ouest), en état d’alerte, où 140 ministres et une douzaine chefs d’État sont attendus fin octobre.Susana Muhamad a exhorté à une « Paix avec la nature », slogan de cette COP colombienne. « Nous sommes la nature », a déclaré la ministre. « Et c’est à partir de ce sens profond, presque spirituel, de l’humanité, que nous pouvons créer cet objectif commun qui devrait être aussi important, voire plus, que la transition énergétique et la décarbonation » de l’économie, traitées par les biens plus médiatisées COP sur le climat (dont la prochaine, la COP29, s’ouvrira dans trois semaines en Azerbaïdjan), malgré les appels à concilier la crise climatique et celle de la nature. »
La planète n’a pas de temps à perdre », « Cali 2024 pourrait être une lumière dans un monde très sombre », a-t-elle encouragé les délégués des 196 pays membres (sans les États-Unis) de la CDB. »Accélérer »Il y a deux ans à la COP15 a été adopté l’accord historique de « Kunming-Montréal », une feuille de route destinée à « stopper et inverser » d’ici 2030 la destruction des terres, des océans et des espèces vivantes, indispensables à l’humanité, a été adopté. Les pays s’étaient engagés à présenter d’ici la COP16 une « stratégie nationale biodiversité » reflétant leur part des efforts pour tenir les 23 objectifs mondiaux fixés : protéger 30% des terres et mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés, réduire de moitié les pesticides et le taux d’introduction d’espèces exotiques envahissantes, mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature, etc…Mais à ce jour, seuls 34 pays ont respecté leur engagement de présenter ces stratégies complètes. Et 107 ont soumis des « cibles nationales », c’est-à-dire des engagements sur tout ou partie des objectifs, selon Astrid Schomaker, secrétaire exécutive de la CDB.
La COP16 doit aussi présenter les détails d’un mécanisme de suivi des efforts mondiaux, avec des indicateurs indiscutables, afin de responsabiliser les pays et préparer un bilan d’étape officiel crédible à la COP17 en 2026. Et négocier un système de partage des bénéfices réalisés par les entreprises des pays riches, cosmétiques et pharmaceutiques en tête, grâce aux données génétiques issues de plantes et d’animaux conservés par les pays en développement.
L’ONG Greenpeace, dans un rapport dévoilé lundi, s’est montré alarmiste sur certaines avancées, et estime qu’au rythme actuel l’objectif de protéger 30% des océans avant 2030 ne sera pas atteint avant la fin du siècle. Selon Megan Randles, conseillère politique de Greenpeace UK, « les gouvernements doivent accélérer le rythme des ratifications pour que le traité mondial sur les océans prenne vie en 2025 ».
Depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, quand la CDB a été créée, seuls 8,4% des océans sont devenus des aires marines protégées (AMP), estime Greenpeace.
Mais le nerf de la guerre sera surtout financier : « Nous sommes tous d’accord pour dire que nous sommes sous-financés pour cette mission, que nous avons besoin d’autres sources de financement », a déclaré la présidente de la COP16, pressant les pays développés, censés fournir 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, d’annoncer de nouveaux engagements.Les peuples indigènes d’Amazonie réclament un « mécanisme de financement direct » afin de « continuer à conserver, à protéger ces territoires », a expliqué le président de l’Organisation des peuples indigènes de l’Amazonie colombienne (OPIAC), Oswaldo Muca Castizo.
» Nous ne sommes pas seulement là pour parler des arbres, de l’eau, des animaux. Il y a des peuples indigènes, des gens, qui prennent soin de ces territoires en permanence (…) Nous appelons donc le monde entier à savoir, à reconnaître que nous, mouvement indigène, nous jouons un rôle important pour sauver l’humanité », a-t-il dit. D’autant que, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus d’un quart des espèces sont menacées d’extinction.Les populations d’espèces sauvages ont diminué de 73% en moyenne entre 1970 et 2020, selon le rapport « Planète vivante » de l’ONG WWF. »Ce chiffre indique que nos systèmes sont en péril et que si nous ne nous attaquons pas aux causes de cette perte de biodiversité, notre écosystème atteindra un point de basculement… en fait un point de non-retour », a déclaré lors d’une conférence de presse Lin Li, directrice de la politique mondiale de WWF.