
Les pêcheurs congolais sont de plus en plus arrêtés sur les eaux du Lac Edouard par la marine ougandaise, faute de respect des frontières lacustres. D’après l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), ce débordement des pêcheurs congolais viole non les lois congolaises et ougandaises sur la pêche, mais il détruit aussi l’écosystème et, pour la RDC, c’est une violation du protocole d’accord avec l’UNESCO.
La loi n° 15/026 du 31 décembre sur l’eau qui dispose à son article 101 que « sont interdites ou, le cas échéant, réglementées pour raison d’intérêt public, les actions susceptibles de porter atteinte à l’équilibre des écosystèmes aquatiques ou d’affecter leur diversité biologique dans les zones humides d’importance particulière et/ou dans les aires protégées ».
A la question de savoir pourquoi les pêcheurs congolais sont plus arrêtés en Ouganda pendant la pêche, le chargé de communication de l’ICCN Mr Olivier s’explique « Le Lac Edouard qui est partagé entre la RDC et l’Ouganda, a dans une proportion de 73% et l’Ouganda de son côté n’a que 27%. Tout en sachant que les eaux congolaises font partie intégrante du Parc National des Virunga (PNVi) et relèvent donc de la responsabilité de l’ICCN. Contrairement à l’Ouganda où le lac Edouard ne fait pas partie intégrante du Queen Elizabeth National Park. Ainsi la gestion est confiée au Department of Fisheries Resources du Ministry of Agriculture, Animal Industries and Fisheries. »
Etant la seule vaste zone humide du PNVi, le lac Edouard revêt une importance vitale non seulement pour les communautés riveraines et les pays du Bassin du Nil situés en aval, mais aussi pour l’abondante faune qui en dépend et qui constitue sa richesse. C’est dans le contexte de la diversité exceptionnelle reconnue au Parc, et qui lui a valu le titre de Site du Patrimoine mondial, le Lac Edouard tient une place toute particulière. Ceci a valu au PNVi le statut de Site Ramsar pour cette zone humide d’importance internationale.
Cependant, depuis plusieurs décennies, le Lac Edouard est soumis à diverses pressions et menaces qui mettent en péril la sauvegarde de ses ressources. La pérennité de sa production halieutique est menacée par l’activité d’un nombre largement excessif de pêcheurs, des moyens de capture illégaux et la capture de petits poissons.
Pour l’ICCN « la situation est aggravée par l’existence de pêcheries illégales, la menace d’une exploitation pétrolière, l’arrêté de création d’une institution universitaire dénommée Institut Supérieur Technique d’Aquaculture, Pèche et de Tourisme de Kyavinyonge (ISTAPT-Kyavinyonge en sigle) du ministre de l’enseignement supérieur, les interférences politiciennes et de multiples services de l’Etat, ainsi que les autorisations d’ouverture des pêcheries par les ministères sans tenir compte des textes originaux régissant la pêche au lac Edouard, les aires protégées nationales, les engagements nationaux auprès de l’UNESCO, les actes des cessions de droits des indigènes, convention COPEVI et ICCN ».
Dans sa spécificité, le Lac Edouard et de ses pêcheries légales a l’intention de rendre disponible les informations officielles et crédibles pour appuyer les décisions qui découragent les initiatives tendant à décourager les efforts entrepris par l’ICCN pour restaurer l’autorité de l’Etat sur le lac et dans les pêcheries d’une part et de préserver l’ordre public et l’intégrité du bien public de l’Etat Congolais d’autre part.
En plus des pressions que connait le PNVi au niveau du Lac Edouard et ses pêcheries, il existe les pressions dues aux envahissements de ses limites légales. Actuellement les zones envahies au Parc National des Virunga représentent près de 21% de la superficie totale du Parc. Pour les territoires de Beni et Rutshuru.
La nature de la menace est principalement l’agriculture, l’élevage et les installations humaines. Les envahissements sont localisés dans les zones ci-après :
– En territoire de Beni : Lubiriha, Mayangos, Mwalika, Karuruma, Mulango wa Nyama
– En territoire de Rutshuru : Kabasha, Kibirizi, Kahunga, Bushendo, Kigaligali, et Tongo,
D’après la législation et norme, cinq pêcheries sont autorisées sur le lac Edouard : Vitshumbi et Nyakakoma dans le territoire de Rutshuru ; Lunyasenge et Kisaka dans le Territoire de Lubero et Kyavinyonge en territoire de Beni.
D’autres plusieurs illégales sont : Kamandi, Kiserera, Rubange, Taliha, Mbirizi, Musuku, Muhirimbo, Katundu, Musenda et Kasindi-port ; avec destruction totale du couloir écologique reliant le secteur centre au secteur nord du PNVI, indique l’ICCN.
« En plus du statut du site du patrimoine mondial, la RDC a ratifié la convention sur les sites humides du RAMSAR, qui trouvent écho à l’article 215 de la constitution, qui consacre la primauté des traités et accords Internationaux sur les lois nationales. Les engagements internationaux de la RDC auprès de la communauté Internationale sont de portée supérieure. L’Etat a donc une responsabilité de conservation du PNVi à l’égard de toute l’humanité. »
La loi n°14/03 du 11 février 2014 sur la conservation de la nature est une loi spécifique aux aires protégées et aucune loi contraire ne peut s’y appliquer. Ceci vaut aussi pour la législation sur la pêche. Elle est constituée de vieux textes qui datent, pour le plus récent, de 1960. Or, à son Article 85, la loi n°14/03 abroge toutes les dispositions antérieures qui lui sont contraires.
Il convient de noter que la même approche est d’application concernant la loi n° 15/026 du 31 décembre sur l’eau qui dispose à son article 101 que « sont interdites ou, le cas échéant, réglementées pour raison d’intérêt public, les actions susceptibles de porter atteinte à l’équilibre des écosystèmes aquatiques ou d’affecter leur diversité biologique dans les zones humides d’importance particulière et/ou dans les aires protégées ».
L’article 202 de la constitution, à son point 36 litera f, dispose la compétence exclusive du pouvoir central pour ce qui concerne la législation applicable à la conservation des ressources naturelles. Le lac Edouard fait partie intégrante du Parc National des Virunga, une aire protégée d’intérêt national dont La gestion relève de la loi n°14/03 du 11 février 2014 sur la conservation de la nature en RDC. A ce titre, il est entièrement placé sous la responsabilité de la Direction Provinciale de l’ICCN (article 36). De Base légale du cadre de gouvernance du Lac, La Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie à Paris du 17 octobre au 21 novembre 1972, en sa dix-septième session adopta la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel dont la RDC est partie.
L’article 4 de la loi n°14/03 fixe les dispositions sur base desquelles la collaboration entre l’ICCN et l’Autorité Provinciale doit être envisagée : « L’Etat et la province adoptent et mettent en œuvre les politiques, plans et programmes appropriés en vue notamment de la contribution des ressources naturelles et biologiques, des écosystèmes ainsi que des sites et monuments naturels à la croissance économique, au développement rural, à la lutte contre la pauvreté et à la régulation du climat ».
L’article 41 de la même loi envisage également un appui de la police nationale ou des forces armées pour appuyer les effectifs de l’ICCN. Ces deux articles méritent réflexion afin de leur donner chair dans le contexte du Lac Edouard et des pêcheries. Aujourd’hui l’ICCN demande un dialogue continu à cet égard pour :
- Tenir à jour un registre des résidents et de leurs dépendants directs (femmes et enfants mineurs & Majeurs incapables) ainsi que des visiteurs ;
- Transmettre régulièrement à I’ICCN les données statistiques sur les prises de la pêche ;
- Encadrer la profession des armateurs et des pêcheurs ;
- Organiser les activités connexes et secondaires et veiller à prévenir leurs impacts négatifs ;
- Dénoncer les infractions et les violations à la présente convention et aux lois en vigueur, Notamment la loi relative à la conservation de la nature ;
- Vulgariser la présente convention auprès des communautés locales. D’autres obligations sont partagées entre les deux parties. C’est notamment de :
- Veiller à la préservation de la faune et des habitats naturels autour des pêcheries ;
- Organiser le recensement des résidents dans les pêcheries et I ‘immatriculation des embarcations de pêche
- Mener des évaluations périodiques des stocks halieutiques, y compris au moyen d’études et Recherches spécifiques portant sur la gestion des ressources halieutiques et des pêcheries ;
- Procéder au retrait du numéro d’immatriculation de l’armateur en cas d’infraction à la Loi sur la conservation de la Nature ou de non payement de la redevance de pêche de la COPEVI ;
- Procéder à l’évacuation des irréguliers présents dans les pêcheries ;
- Garantir I ’exécution paisible de la présente convention, y compris par des évaluations et des plans de mise en œuvre périodiques ;
- Encourager la coopération transfrontalière en vue d’assurer la gestion durable des ressources Halieutiques et la sécurité des activités de pêche ;
- Assumer toute autre obligation découlant de la loi.
Il convient enfin de souligner l’article 66 de la convention qui souligne la nécessaire collaboration de l’ICCN, en tant qu’Autorité de l’État et avec les autres services régaliens, et notamment les pouvoirs judiciaires, les FARDC, la PNC, l’ANR et sur demande, toute autre autorité compétente. Cette couche constitue la force navale qui permet de mettre de l’ordre sur le lac et sanctionner les fautifs.